Carte blanche – les choix du chef
jeudi 15 février, 2024 19h30
Maison des arts Desjardins Drummondville175 Rue Ringuet, Drummondville, QC J2C 2P7
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Programme
Liebe
Ständchen D 920
Gesang der Geister über den Wassern
Rhapsodie pour alto et chœur d’hommes
Symphonie n° 1
Venez célébrer la 10e saison de Julien Proulx dans un concert à la fois intense et lumineux!
Pour souligner tout le chemin parcouru, nous revisitons la 1re symphonie de Brahms, œuvre qui était au programme de sa première saison comme directeur artistique. Nous la présentons cette fois accompagnée de la Rhapsodie pour voix d’alto et chœur d’hommes du même compositeur, une œuvre chère au cœur de notre chef.
« Un chœur d’hommes, pour moi, ça rime avec amitié. C’est le plaisir de chanter entre amis du Schubert, du Poulenc et des Barbershop. La sensation indescriptible des résonances tant humaines que musicales. Et si on ajoute la musique de Brahms, et bien, tout y est! »
Franz Schubert (1797-1828)
Gesang der Geister über den Wassern
Composé sur un poème de Goethe datant de 1779, le lied Gesang der Geister über den Wassern (Chant des esprits sur les eaux) reflète l’incroyable talent de Schubert pour traduire la poésie en musique. Inspiré par la nature, le texte de Goethe évoque la puissance et le mouvement des eaux d’une cascade. Il y compare l’âme humaine au cycle perpétuel de l’eau qui tombe vers la terre avant de s’élever à nouveau vers le ciel.
Pour peindre musicalement cette métaphore, Schubert utilise une combinaison instrumentale peu conventionnelle : un chœur d’hommes accompagné de deux altos, deux violoncelles et une contrebasse. Cette orchestration crée une texture sonore à la fois riche et profonde qui contribue à rendre toute l’intensité et la profondeur du poème de Goethe. Avec toute la sensibilité qu’on lui connaît, Schubert traduit avec brio le mouvement incessant de l’eau qui personnalise les nombreuses fluctuations de l’âme humaine.
Lors de sa création en 1821, l’œuvre semble avoir été reçue de façon plutôt tiède. Critiqué pour son manque de structure et de direction claires (on est même allé jusqu’à comparer Schubert à un cocher incapable de contrôler son équipage!), le lied est perçu comme étant instable et trop complexe. Pourtant, cette critique est probablement le plus beau compliment que l’on puisse faire à propos de l’œuvre de Schubert! Le génie du compositeur consistant précisément à illustrer à la perfection le caractère changeant de la nature et de l’esprit humain que Goethe décrit de façon aussi saisissante dans son poème… Pas étonnant que Brahms s’en soit inspiré pour composer sa Rhapsodie pour alto et chœur d’hommes!
« Quand j’ai voulu chanter l’amour, il s’est transformé en tristesse. Et quand j’ai voulu chanter la tristesse, elle s’est métamorphosée pour moi en amour. »
Franz Schubert
Johannes Brahms (1833-1897)
Rhapsodie pour alto et chœur d’hommes
Composée en 1869 pour le mariage de Julie Schumann, la troisième fille de Clara et Robert Schumann, la Rhapsodie pour alto et chœur d’homme n’exprime toutefois pas (contrairement à ce que l’on pourrait croire) toute la joie d’un amour naissant, mais davantage la douleur d’un amour déçu. Amoureux de la jeune fille de 12 ans sa cadette (la plus belle des filles Schumann selon l’opinion générale), Brahms traduit son chagrin en musique en choisissant trois strophes du poème Harzreise im Winter de Goethe. Datant de 1777, ces vers relatent les réflexions d’un voyageur solitaire et mélancolique parcourant les montagnes du Harz en hiver. Ignorant la profondeur des sentiments de Brahms pour sa fille, Clara Schumann saisit l’état d’âme du compositeur à la lecture de la partition : « Il y a longtemps que je n’ai été aussi touchée par une douleur si profonde mise en musique […]. Je considère cette œuvre comme l’expression de son chagrin ».
Sur le plan musical, la rhapsodie suit la structure des trois strophes du poème en débutant par un adagio en do mineur évoquant la solitude de l’homme dans un style sombre et récitatif. La voix de l’alto intervient ensuite, soulignant la solitude et l’isolement du personnage avec des phrases courtes et disloquées qui reflètent le tumulte intérieur du compositeur. De forme tripartite, la section centrale oscille entre la voix soliste et des rythmes ambigus caractéristiques de Brahms. La dernière strophe, interprétée par un chœur d’hommes, apporte un contraste saisissant avec la mélancolie de la partie précédente. De caractère hymnique et populaire, cette conclusion évoque la consolation divine, un thème qui rappelle la Première Symphonie de Brahms tant par son caractère que par sa tonalité.
« Ce n’est pas difficile de composer, mais ce qui est incroyablement difficile, c’est de laisser les notes superflues sous la table. »
Johannes Brahms
Johannes Brahms (1833-1897)
Symphonie n° 1
I. Poco sostenuto – Allegro
II. Andante sostenuto
III. Un poco allegretto e grazioso
IV. Adagio – Più andante – Allegro non troppo ma con brio – Più allegro
Amorcée au milieu des années 1850, la composition de la première symphonie de Brahms n’est achevée qu’en 1876. Le compositeur a alors plus de 40 ans. C’est que, pour Brahms, il est difficile « d’entendre [derrière soi] les lourds pas d’un géant comme Beethoven » lorsqu’on s’attaque au genre de la symphonie. L’opus 68 porte d’ailleurs l’empreinte du Maître. Surnommée par certains comme la « Dixième symphonie » de Beethoven, elle est romantique par son caractère, mais classique par son souci d’architecture et son style plutôt traditionnel.
L’introduction du premier mouvement, ajoutée à l’Allegro seulement une fois la symphonie presque achevée, entre dans le vif du sujet dès les premières notes. D’un caractère agité et nerveux, ce mouvement présente des motifs courts staccatos rappelant le motif du Destin de la cinquième symphonie de Beethoven. L’Andante sostenuto qui suit, en mi majeur, contraste avec l’agitation du premier mouvement. D’un grand lyrisme, les cordes, et tout particulièrement les violons, y occupent le premier plan avec quelques interventions des bois. Un bref interlude en mineur rappelle le mouvement précédent avant de retrouver le caractère initial calme et chantant. Puis, le mouvement s’achève sur un magnifique duo au violon et au cor. Remplaçant le traditionnel scherzo des symphonies classiques, l’Allegretto est d’une charmante poésie. Une joyeuse mélodie est ici partagée entre les cordes et les bois. Finalement, le dernier mouvement constitue sans aucun doute le plus riche et le plus complexe de la symphonie. Suivant quelques traits en pizzicato alternant avec des interventions des bois, un thème d’une grande noblesse est d’abord confié aux cors, ensuite à la flûte puis à nouveau aux cuivres. Puis, suit une riche et ample mélodie aux violons dans le grave, souvent comparée au célèbre thème de l’Hymne à la joie de Beethoven. Tour à tour, les thèmes précédemment entendus seront habilement repris et développés pour culminer en une grandiose coda.
« On ne devrait jamais oublier que perfectionner réellement une pièce permet de gagner et d’apprendre plus que de commencer ou d’en terminer à moitié une douzaine. »
Johannes Brahms